Pandémie de coronavirus
Prise en charge au temps de la pandémie de coronavirus
Réflexions et suggestions du point de vue de l’activation.
En raison de la crise du coronavirus, les maisons de retraite et de repos ont de manière générale fermé leurs portes aux parents et proches des résidents. De plus, conformément aux recommandations de l’Office fédéral
de la santé publique (OFSP), les résidents doivent garder leurs distances autant que possible pendant les repas ou les activités de groupe. Qu’est-ce que cela signifie pour les personnes âgées? Comment la vie quotidienne
peut-elle néanmoins être organisée de sorte à favoriser les contacts sociaux et la mobilité? Quels sont les points particulièrement importants, quelles approches créatives pourraient être utilisées? Du point de vue de l’activation, nous nous référons à la littérature spécialisée et proposons des suggestions d’application dans la pratique. L’objectif est de contribuer à la qualité de vie et au bien-être des personnes âgées dans cette situation
difficile.
Les mesures importantes prises par l’OFSP ont comme conséquence que les personnes âgées sont fortement limitées dans leurs contacts sociaux et dans l’organisation de leur vie quotidienne. Il a été démontré que l’isolement social a une influence majeure sur la résilience physiologique et que les personnes socialement isolées développent également un plus grand sentiment de menace et d’impuissance (cf. Kruse A., 2017. p. 222–223). Il est donc essentiel de soutenir les personnes âgées en cette période de crise du coronavirus et de lutter contre l’isolement qui y est associé. Malgré les restrictions, ces personnes doivent pouvoir entretenir des contacts sociaux et compenser les privations qui structurent leur vie quotidienne. Il est incroyable de voir la créativité et l’engagement dont font preuve les membres de la famille, les différents groupes professionnels et les bénévoles pour assurer ce soutien.
Les défis dans les maisons de retraite et de repos
Des discussions avec différents professionnels de l’activation et des soins ainsi qu’avec les prestataires de formation dans le domaine de l’activation aboutissent parfois au tableau suivant: alors que les résidents des maisons de retraite et de repos ont d’abord observé de manière assez détendue la situation liée au coronavirus, la tension, l’incertitude, la frustration et parfois même la colère se font de plus en plus sentir.
D’une part, les résidents sont de plus en plus limités dans leur vie quotidienne et ne sont plus autorisés à recevoir des visites. D’autre part, en tant que membres d’un groupe particulièrement vulnérable, ils sont
également confrontés à la question suivante: est-ce que je veux être hospitalisé en cas d’infection par le coronavirus?
Une clarification empathique et progressive sur la gravité du coronavirus et sur les mauvais pronostics des traitements en soins intensifs administrés aux personnes âgées, mais aussi sur les possibilités de soins palliatifs, permettent aux personnes âgées de se faire leur propre opinion et de prendre leur décision – en effet, la plupart des gens souhaitent mourir dans un environnement familier. (cf. Fachgesellschaft Palliative Geriatrie). Le fait d’avoir des contacts sociaux limités et de se retrouver face à des questions existentielles peut vite se transformer en situation délicate.
Selon le gérontologue Andreas Kruse, il est essentiel que, pendant la crise du coronavirus, les personnes âgées trouvent du réconfort et qu’on leur explique exactement pourquoi elles ne peuvent pas recevoir de visites et, le cas échéant, pourquoi elles ne sont pas autorisées à quitter la maison de retraite et de repos. Elles doivent savoir qu’on ne les oublie pas et qu’elles sont au cœur de nos préoccupations. Des contacts durables et stimulants sur le plan émotionnel permettent de mieux faire face à la détérioration de la santé, aux pertes des personnes proches et enfin au caractère éphémère de la vie. Il est particulièrement important aujourd’hui que des personnes de confiance recherchent une compensation durable pour les contacts sociaux afin de soutenir la résilience psychologique des personnes âgées, qui ne doit pas être sous-estimée. (cf. Kruse. A. 2020)
En raison du besoin accru en matière de prise en charge, ainsi que du risque d’infection, de nombreux spécialistes de l’activation ont déjà adapté de manière flexible leur quotidien professionnel et travaillent désormais exclusivement dans les services. Leurs réactions reflètent la nécessité accrue d’un accompagnement psychosocial ainsi que le besoin d’idées et de conseils pour une vie quotidienne réussie au temps du coronavirus.
Grâce à leurs compétences solides en matière de communication et à leur expertise en matière d’organisation de la vie quotidienne axée sur les besoins individuels, les spécialistes de l’activation peuvent apporter une
contribution complémentaire importante, parallèlement aux soins, afin de répondre aux besoins et aux défis liés au coronavirus. Sur la base de leur relation avec les résidents et de leur formation à l’accompagnement indi-
viduel des personnes âgées, y compris en fin de vie, ils peuvent être impliqués de manière ciblée comme ressource supplémentaire. C’est particulièrement important dans les maisons de retraite et de repos, où même en fin de vie, les visites ne sont guère possibles, comme on l’observe de manière frappante au Tessin.
Permettre et maintenir les contacts sociaux
En plus de communiquer une certaine sécurité dans la structure du quotidien et de favoriser l’exercice physique, les contacts sociaux sont plus que jamais au premier plan. Pour cette raison, de nombreuses institutions ont mis en place diverses possibilités d’appels vidéo pour les échanges avec la famille et les amis afin de rester en contact avec le monde extérieur.
Aider les résidents à envoyer une lettre, une carte ou une photo à leurs proches peut également contribuer au maintien des contacts sociaux. Il apparaît que cet échange est de la plus haute importance pour tout le monde. Les proches s’inquiètent pour la personne en maison de retraite et de repos qui leur est chère et craignent qu’elle ne soit délaissée. Il est très important pour eux d’être informés sur la vie quotidienne et l’état de
santé de la personne âgée. Le personnel des services de soins, d’activation et de prise en charge ainsi que la direction des maisons de retraite et de repos peuvent contribuer à assurer cet échange.
Les directives de l’OFSP limitent également les contacts au sein de l’institution. Favoriser le contact entre les résidents représente donc une tâche importante des spécialistes de l’activation. Ils mettent en place des
échanges en respectant la distance de sécurité préconisée, facilitent les conversations téléphoniques ou transmettent des messages afin d’entretenir les liens amicaux entre les résidents.
Il est actuellement de la plus haute importance de créer des possibilités d’échange afin que les personnes vivant dans les maisons de retraite et de repos puissent exprimer ce qu’elles ressentent. L’observation du langage corporel est également essentielle. S’asseoir un moment avec une personne qui semble déprimée ou stressée peut faire une grande différence. Pour instaurer le dialogue, il suffit de poser des questions telles que: «Puis-je me joindre à vous un instant?»
«Comment allez-vous ?», «Vous avez l’air pensif, je me trompe?» Des questions comme: «À quoi vous êtes-vous raccroché dans d’autres situations difficiles?» permettent de mettre l’accent sur la capacité à faire face aux situations et, éventuellement, à montrer de nouvelles possibilités ou à stimuler des processus créatifs pour surmonter la situation actuelle. Cela renforce le sentiment de cohérence et contrecarre les sentiments
de menace et d’impuissance.
Les offres de mise en relation sont également importantes pour contrer le sentiment d’isolement. Chanter et écouter de la musique ensemble renforce le sentiment de communauté et contribue à une atmosphère positive.
Des casse-têtes hebdomadaires, par ex. par le biais d’images iconographiques ou de devinettes, la rédaction commune d’histoires, qui sont lues à haute voix le dimanche, publiées dans le journal de la maison de
retraite et de repos ou sur la page d’accueil du site Internet, peuvent également être des activités fédératrices.
Besoin d’activité physique et de nature
Les résidents ressentent également fortement le besoin de faire de l’activité physique et de se promener dans la nature. Dans la situation actuelle, des programmes d’activité physique réguliers, incluant par exemple un
jeu de ballons et au cours desquels les résidents peuvent se débarrasser de leurs frustrations mais aussi rire, s’avèrent utiles. Les promenades et la possibilité de profiter du soleil printanier sur le balcon ou à la fenêtre
ouverte sont également très appréciées. Ces activités donnent le sentiment d’être connectés encore un peu avec le «monde extérieur». Si les sorties ne sont pas possibles, il est possible de faire entrer le printemps dans la maison de retraite et de repos. Les fleurs, l’ail des ours, le parfum du muguet, les poèmes, parmi tant d’autres choses, réveillent les souvenirs et favorisent les échanges.
Des moyens adaptés aux besoins individuels, tels que des énigmes, des petites histoires, du matériel pour stimuler la mémoire, des exercices physiques, des jeux, du matériel pour bricoler, des livres audio peuvent
également aider les personnes vivant dans des maisons de retraite et de repos à compenser les privations qui structurent leur vie quotidienne. Il est important de mettre ce matériel à disposition tout en respectant les
mesures d’hygiène actuelles afin que les différents groupes professionnels puissent les utiliser de manière ciblée et que les résidents puissent être accompagnés ensemble dans leurs besoins psychosociaux.
D’autres conseils sur la manière de traiter les exigences particulières de la vie quotidienne pendant la crise du coronavirus seront bientôt publiés sur le site Internet de l’«Berufsverband der Aktivierungsfachfrauen und -männer» (Association professionnelle des spécialistes de l’activation, en allemand).
Le principal défi actuel constitue a créer un espace d’échange au sujet des inquiétudes et des craintes dans lequel les personnes âgées pourront se sentir entendues et comprises tout en gérant la communication de manière à ce que ces inquiétudes et ces craintes ne prennent pas le dessus. Face à la situation actuelle, il convient de préserver une part de quotidien et créativité.
De nombreuses activités et contacts sociaux peuvent être maintenus grâce à des adaptations ciblées et à un accompagnement tout en espec tant les recommandations de l’OFSP et contribuent à maintenir un semblant de «quotidien» en cette situation de crise exceptionnelle. Ceci est d’une importance capitale en vue d’une gestion positive de la crise du coronavirus pour les personnes vivant dans des maisons de retraite et de repos.
© Fondation Paul Schiller, avril 2020
Auteurs
Manuela Röker, membre du conseil d’administration Schweizer Berufsverband der Aktivierungsfachfrauen und -männer (Association professionnelle suisse des spécialistes de l’activation),
manuela.roeker@svat.ch
Franziska Wirz, responsable de la formation relative à l’activation, Zentrum für medizinische Bildung (medi) (Centre pour la formation médicale),
franziska.wirz@medi.ch
Sources
Kruse, Andreas, Lebensphase hohes Alter, Berlin 2017
Kruse, Andreas, Experte: Gefühl des Alleinseins ist Gefahr für alte Menschen.